Bonjour !
Lors d’une dernière note,
je vous ai parlé de notre balade à Albi.
Il y a autre chose qui nous a intrigué dans les vieilles rues d’Albi :
les volets bleus d’un grand nombre de maisons.
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Pour comprendre, il faut faire un peu d’histoire et un peu de botanique.
Isatis tinctoria, (ici, photographiée au Jardin des Plantes de Paris),
fait partie de la famille des Brassicacées, anciennement appelée Crucifères,
comme le chou, le navet, la moutarde …
Sa floraison jaune d’or, est suivie d’une production de siliques,
d’abord vertes, puis violettes puis noires.
Ces siliques contiennent la graine.
Isatis tinctoria
n’est autre que le « Pastel des Teinturiers ».
Cette plante fabuleuse, a fait, il y a 500 ans,
la richesse de tout le Lauragais,
triangle Albi, Toulouse, Carcassonne.
Mais ce qui nous intéresse, ce ne sont pas les graines,
mais les feuilles…
… ces feuilles, au dessus vert foncé,
mais dont le dessous est marqué de zones bleu violacé.
Pourquoi ?
Ces feuilles contiennent un pigment au début incolore,
mais qui, au contact de l’air devient d’abord jaune , puis bleu.
Comment ?
1- Les feuilles : il fallait semer dans une bonne terre calcaire, bien ensoleillée.
– La jeune plante devait être surveillée,
et débarrassée de toutes mauvaises herbes.
– Au bout de deux mois, elles formaient une belle rosette.
– Sitôt que la couleur violette apparaissait sur les feuilles,
on les récoltait à la main, sans abîmer la plante.
2- Le broyage : elles étaient amenées au moulin pastellier,
où elles étaient broyées à l’aide d’une grande meule de pierre,
afin d’obtenir une pâte.
(Pâte, pasta en occitan, ce qui a donné le nom de pastel)
3- Les cocagnes : c’était le travail des femmes,
avec la pâte obtenue, elles formaient, avec leurs mains,
des grosses boules de la grosseur d’un pamplemousse.
4- Le séchage : ces boules étaient installées sur des claies,
dans un endroit aéré, ou accrochées à un mât ( le mât de cocagne).
Perdant ainsi toute leur eau, elles devenaient dures, très légères,
et faciles à transporter.
– Après un long séchage, elles étaient expédiées à l’étranger.
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une ancienne émission « Des racines et des ailes »
vous en dira plus.
https://www.youtube.com/watch?v=b71Gdf7057Q
5-Arrivées à destination,
les cocagnes étaient écrasées, broyées,
revenant ainsi à l’état de poudre des feuilles séchées.
6/7- La fermentation : arrosées d’eau croupie,
remuées régulièrement,
on les laissait fermenter pendant 4 mois.
8/9- Le séchage, puis l’emballage, permettait au pastellier,
de conserver ce granulat noirâtre (l’agranat), jusqu’à utilisation.
10- La teinture : il suffisait de mettre l’agranat
dans une grande cuve pleine d’eau,
laisser le pigment se dissoudre dans l’eau …
Quantité, temps d’attente, tout dépendait du savoir-faire du pastellier…
Le tissu trempé dans la cuve, en ressortait jaune pâle.
Mais au contact de l’air, en quelques secondes, devenait vert anis,
puis d’un beau bleu pastel.
Avec le fond des cuves de teinture, on peignait les cornes des vaches,
les portes et les volets
pour les vertus répulsives du pastel contre les mouches et les moustiques,
et aussi les charrettes en « bleu charrette ».
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Pour en savoir plus sur la teinture, je vous recommande ces trois vidéos :
https://www.youtube.com/watch?v=vXzEonMoYBY
https://www.youtube.com/watch?v=oShhcDAL4xI
https://www.youtube.com/watch?v=LxWu9rvzv8Y&feature=related
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Cette fabrication des cocagnes de pastel a enrichi toute la région,
appelée « Pays des cocagnes ».
Cette expression, « Pays de Cocagne »,
est encore employée de nos jours pour désigner un pays riche,
où tout pousse en abondance.
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Malheureusement, les guerres de religion, vont ravager tout le Lauragais,
et détruire les plantations.
A la même époque, arrive une plante concurrente du pastel : l’indigotier.
Moins cher, plus facile à travailler,
et répondant à la demande pressante de pigment bleu,
l’Indigofera tinctoria, arbuste venu des Indes,
va ruiner la culture du pastel en France.
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Le pastel, aujourd’hui
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Il y a une vingtaine d’années, un couple de bruxellois
achète une ancienne tannerie du XVI ème siècle, à Lectoure dans le Gers.
Pourquoi des volets bleus ???
Tout commence par cette question.
Après quelques recherches ils décident, par curiosité,
de semer deux hectares de pastel.
Travaillant avec l’Ecole Nationale de Chimie de Toulouse,
ils découvrent d’autres procédés de fabrication de teinture et de peinture.
Le pigment est extrait directement des feuilles, par simple macération,
sans passer par l’étape « cocagnes » .
Avantages : un pigment pur, en juste 24 heures.
Ils créent leur société « Bleu de Lectoure »
C’est eux qui relanceront la culture du pastel, en Midi-Pyrénées.
Je vous invite à regarder leur site :
http://www.bleu-de-lectoure.com/site/index.php?option=com_content&task=section&id=1&Itemid=9
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Page d’accueil :
Un peu d’histoire,
Laboratoire,
Atelier,
Surtout regardez leur petit film.
Aujourd’hui, on trouve dans les boutiques d’Albi, de Toulouse …
Des vêtements, du linge de maison, des peintures, des pastels …
… dans toute la gamme des bleus historiques définis au XVII ème siècle.
En voici les 7 nuances principales :
bleu naissant, bleu alazado, bleu turquin, bleu de Reine, bleu de Roi,
fleur de guesde (nom nordique du pastel), bleu d’enfer …
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Quand nous sommes revenus de cette petite balade,
notre chatte avait donné naissance à un beau chaton aux yeux bleus …
Nous l’avons appelé « Pastel »
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merci – super intéressant – merci de Normandie – pour ce blog
Oh que vous êtes loin ! Il y a de belles choses, aussi, en Normandie …